Emmanuel Finkiel adapte “La Douleur” de Marguerite Duras avec un beau casting

Emmanuel Finkiel adapte “La Douleur” de Marguerite Duras avec un beau casting
 Marguerite Duras et le cinéma: longue histoire. Ecrivaine, scénariste, réalisatrice de 17 films (“India Song”, “Le Camion”…), elle a été mise en images par d’autres (“Hiroshima mon amour”, “Moderato Cantabile”…). Aujourd’hui, Emmanuel Finkiel adapte “La Douleur”, roman autobiographique qui recoupe la résistante et l’auteure, avec Mélanie Thierry, Benoît Magimel et Benjamin Biolay.
“La Douleur” (1985) n’est sans doute pas le premier roman qui vient à l’esprit quand on évoque Duras. Il est pourtant très lié à son intimité. Elle y confie un épisode de sa vie en 1944, engagée dans la Résistance, épouse de l’écrivain Robert Antelme, grand résistant, arrêté et déporté. Son absence alimente chez elle une dépression, thème régulier de son œuvre littéraire. Elle nourrit ici un romanesque achevé, puisque lié à un amour adultérin avec un complice résistant (Benjamin Biolay) et à la proximité d’un cadre de la Gestapo (Benoît Magimel) qui a arrêté son mari, tombé sous le charme d’une femme brisée.
L’absence. L’absence de l’être aimé, la douleur de l’être aimé, dans la peine, de celui, de celle, que l’on aime. Sujet vécu par tous (?), mais si l’on y réfléchit, pas si souvent abordé que cela au cinéma ; sans doute plus en littérature. Parce qu’intérieur, propice à la confidence, écrite plus qu’imagée. Le thème est encore plus fort quand on sait l’absent dans la souffrance, ici suite à son incarcération dans les pires conditions en camp de concentration en 1944. Mais tout un chacun peut s’y retrouver, en d’autres circonstances. La souffrance, le manque, la douleur ne sont pas uniques. Mais pluriels.
La voix de Duras
Celle évoquée par Duras est éminemment symbolique de toutes les autres. Même si elle émane d’une expérience vécue, singulière. Comme exemplaire. Avec ses corollaires : prendre la tangente avec un(e) autre, manipuler une personne pour en tirer des informations, risquer sa raison, sa vie peut-être…
Toute cette palette de sentiments passe dans l’adaptation d’Emmanuel Finkiel, grâce avant tout à une interprétation sans faille de Mélanie Thierry, de Benoît Magimel, et encore et surtout, de Benjamin Biolay, qui surprend à chacune de ses apparitions à l’écran. Mais aussi un beau texte. Très émotionnel, alors que Duras est, peut-être, “l’intellectualiste” des émotions.
Le film pèche justement par ce penchant. Tout en voix off, très bien dite par Mélanie Thierry, la mise en scène colle trop à la source littéraire, comme par une identification superfétatoire, alors que s’en écarter, pour être plus cinématographique, aurait pu être salutaire. L’on semble à la longue assister à une lecture, fort bien illustrée, mais à une lecture, ce qui n’est pas l’objet du cinéma. D’autant que le rythme narratif n’est pas toujours au rendez-vous sur plus de deux heures de film. La voix de Duras, hélas absente, l’aurait-elle pallié ? Qui sait ?