Kilito & Kundera Rencontre d’une pensée !

Si Abdelfattah Kilito soumet l’héritage maghrébin à l’examen critique, c’est parce que cet héritage n’a pas été relu suffisamment. Cette figure de la pensée insuffle la vie aux textes anciens et les transmet au lecteur d’alors sous un angle critique et différent. Ce penseur bilingue a une grande passion pour les anciens qui n’ont pas été compris selon lui. En fait, son écriture prend appui sur les souvenirs d’enfance. Cette période est l’une des sources inépuisables de l’écrivain où il tente de déconstruire et de décentraliser cet héritage classique. En vérité, il essaie de revitaliser le débat autour des sujets relatifs à l’identité, la culture, le livre et bien d’autres, et ce par le truchement de deux langues : celle de Molière et celle de Jâhiz. A. Kilito critique pour faire prévaloir un esprit critique au sein de sa société. Il essaie d’introduire de l’étrangeté dans ce qui est familier afin de le dépoussiérer de toute tendance narcissique.
Critiquant ainsi le présent par le biais d’un retour au passé. Un retour qui n’est pas une arriération au passé, mais une réhabilitation « des valeurs » d’antan. La littérature d’A. Kilito est une prise de conscience que le système romanesque se situe au passé. Le retour au passé est aussi une manière de pratiquer « la généalogie » avec pour but de rectifier certains faits qu’on consomme sans vérifications. De là, la métaphore intertextuelle devient sa stratégie essentielle pour lier le passé au présent tout en préparant un futur à –venir. C’est bien aussi le travail de Milan Kundera qui avait, certainement, des points de rencontre avec l’écrivain marocain. Les deux écrivains pensent que la littérature doit être une stratégie qui pense par delà le bien et le mal. Ils cherchent à comprendre leur propre passé et celui de leurs contemporains par le recours à l’écriture romanesque. Cette écriture ludique et ironique qui fait de la littérature un espace à dimension interculturelle. Cet aspect ludique est un moteur poussant l’écrivain jusqu’au bout. A. Kilito déclare maintes fois que sans le ludique, il ne va pas écrire une seule histoire. Dans ce sens, Franz Kafka ou plutôt son héritage semble le lieu commun revisité par les deux écrivains. F. Kafka est une mémoire et une source de ce ludique. Milan Kundera observe même qu’ : « il y a des périodes dans l’histoire moderne où la vie ressemble aux romans de Kafka ». En vérité, ce qui attire les deux chez Kafka c’est son traitement de l’histoire. Selon les critiques, Franz Kafka développe une écriture comique et ludique. Ce comique vise, par la force des choses, à décortiquer ce que Milan Kundera et son prédécesseur Rabelais appellent «les agélastes». Ceux qui croient à la vérité absolue et refusent de rire. Or la vérité n’est pas.
Leur réflexion s’inspire de la tradition philosophique et littéraire tout en se transformant en un espace d’interrogation et de questionnement de l’expérience humaine. C’est dire interroger d’autres possibilités de l’existence. Milan Kundera qui construit ses romans comme si on construisait une pièce de musique et accule ses «ego expérimentaux» au réexamen de l’Histoire. C’est bien l’ambition de Kilito qui cherche silencieusement à tricher la langue, à déconstruire la métaphysique, et ce à partir d’une œuvre audacieuse. Dans « Dites-moi le songe » qui est un roman problématique dans le sens où il est à la fois un essai et un roman, l’écrivain vérifie le livre majeur des arabes qui est les Mille et une nuits. Ce livre, ajoute le personnage qui assiste à un colloque, n’est pas un livre représentatif des Arabes. Les Arabes sont du coup sans le livre. Ce livre est devenu arabe parce que l’Occident désire qu’il soit un livre arabe. Le traitement de Kilito de cette question ne vise pas à nier l’élément amazigh de l’identité marocaine. Mais il est, au juste, un retour à la littérature arabe classique dont d’ailleurs il fait distinction avec la littérature contemporaine qui trouve des échos dans celle occidentale. Nous avons la conviction que l’identité marocaine est sans aucun doute une identité composite où elle est structurée de l’élément amazigh, arabe, juif, chrétien et d’autres. Kilito pense par-delà ces polémiques.
Abdelfattah Kilito et Milan Kundera s’inscrivent dans une logique déconstructiviste qui vise décortiquer l’héritage des anciens . L’espace romanesque est celui du questionnement de ce monde sans boussole. Dans ce cadre d’idées, Milan Kundera n’hésite pas dans « ses essais romanesques » de suggérer que l’individu vit sous l’égide d’une crise des valeurs. Le meilleur roman incarnant cette crise des valeurs est « L’insoutenable légèreté de l’être ». De ce fait, leurs écritures polyphoniques sont une réflexion répondant à ce que les critiques nomment depuis les années 1960 la postmodernité. Retenons ici que cette notion n’est pas un dépassement, ni un développement de la modernité. Mais sa mise en crise.
Les deux écrivains écrivent dans la logique d’un roman qui pense tout en faisant du texte une stratégie génératrice des différences. L’œuvre produite dans ce sens est celle expressive et non pas folklorique. Si Abdallah Laroui montre que le folklorique participe de l’infériorisation de la culture. Il est essentiel de dire que l’œuvre expressive déconstruise l’hégémonie culturelle. Le texte, aux yeux de Kundera et de Kilito, accomplit le pluriel. Il est au service de la pluralité et du «vivre-ensemble». Le pluriel du texte des deux écrivains semble aussi un élément à mettre en comparaison notamment que les deux penseurs écrivent dans ce que Guy Scarpetta appelle : «L’esthétique de l’impureté». Encore une fois, cette esthétique répond à la postmodernité. L’esthétique de l’impureté est une forme dialogique qui fait qu’il n’y a pas ni accueillant, ni accueilli au sein de la littérature. Le texte est construit à partir d’un mélange entre le romanesque, le philosophique, etc. Elle est en fait transgénérique. Dans cette optique, on peut donner l’exemple de La « Querelle des images » où la rencontre entre deux cultures bien différentes rythme la trame narrative. Une tradition de la lettre et une autre de la représentation.
Ce qui provoque le choc, d’autant que la tradition musulmane interdit le principe de celle occidentale qui reconnaît l’image comme support essentiel dans la construction narrative. L’écriture analytique de Milan Kundera et d’A. Kilito cristallise une esthétique proprement interculturelle. Le texte en fin de compte est un exercice de l’altérité.
La pensée et la réflexion semblent les préoccupations majeures des deux écrivains. Pour eux, la littérature doit penser le monde. L’activité de l’écriture et surtout de « l’écrire » qui ne définit pas. Car définir c’est tuer le désir de la pensée. Par conséquent, la pensée elle-même.
De là leurs œuvres invitent un lecteur actif qui va vivre une expérience avec ce monde afin de dévoiler un certain silence. C’est-à-dire un certain sens qui n’est pas le sens. Car le sens en tant que tel n’existe pas. Milan Kundera et Abdelfattah Kilito donnent encore une fois à leurs lecteurs une chance de lire et de relire un patrimoine sous des angles critiques et différents. Ils construisent chez leurs lecteurs un esprit critique et de partage. Ces intellectuels offrent une lecture différente de la réalité. Ils possibilisent le dialogue tout en respectant l’intraduisible de chaque culture. Ils se rencontrent finalement dans l’héritage de F. Kafka.
Critiquant ainsi le présent par le biais d’un retour au passé. Un retour qui n’est pas une arriération au passé, mais une réhabilitation « des valeurs » d’antan. La littérature d’A. Kilito est une prise de conscience que le système romanesque se situe au passé. Le retour au passé est aussi une manière de pratiquer « la généalogie » avec pour but de rectifier certains faits qu’on consomme sans vérifications. De là, la métaphore intertextuelle devient sa stratégie essentielle pour lier le passé au présent tout en préparant un futur à –venir. C’est bien aussi le travail de Milan Kundera qui avait, certainement, des points de rencontre avec l’écrivain marocain. Les deux écrivains pensent que la littérature doit être une stratégie qui pense par delà le bien et le mal. Ils cherchent à comprendre leur propre passé et celui de leurs contemporains par le recours à l’écriture romanesque. Cette écriture ludique et ironique qui fait de la littérature un espace à dimension interculturelle. Cet aspect ludique est un moteur poussant l’écrivain jusqu’au bout. A. Kilito déclare maintes fois que sans le ludique, il ne va pas écrire une seule histoire. Dans ce sens, Franz Kafka ou plutôt son héritage semble le lieu commun revisité par les deux écrivains. F. Kafka est une mémoire et une source de ce ludique. Milan Kundera observe même qu’ : « il y a des périodes dans l’histoire moderne où la vie ressemble aux romans de Kafka ». En vérité, ce qui attire les deux chez Kafka c’est son traitement de l’histoire. Selon les critiques, Franz Kafka développe une écriture comique et ludique. Ce comique vise, par la force des choses, à décortiquer ce que Milan Kundera et son prédécesseur Rabelais appellent «les agélastes». Ceux qui croient à la vérité absolue et refusent de rire. Or la vérité n’est pas.
Leur réflexion s’inspire de la tradition philosophique et littéraire tout en se transformant en un espace d’interrogation et de questionnement de l’expérience humaine. C’est dire interroger d’autres possibilités de l’existence. Milan Kundera qui construit ses romans comme si on construisait une pièce de musique et accule ses «ego expérimentaux» au réexamen de l’Histoire. C’est bien l’ambition de Kilito qui cherche silencieusement à tricher la langue, à déconstruire la métaphysique, et ce à partir d’une œuvre audacieuse. Dans « Dites-moi le songe » qui est un roman problématique dans le sens où il est à la fois un essai et un roman, l’écrivain vérifie le livre majeur des arabes qui est les Mille et une nuits. Ce livre, ajoute le personnage qui assiste à un colloque, n’est pas un livre représentatif des Arabes. Les Arabes sont du coup sans le livre. Ce livre est devenu arabe parce que l’Occident désire qu’il soit un livre arabe. Le traitement de Kilito de cette question ne vise pas à nier l’élément amazigh de l’identité marocaine. Mais il est, au juste, un retour à la littérature arabe classique dont d’ailleurs il fait distinction avec la littérature contemporaine qui trouve des échos dans celle occidentale. Nous avons la conviction que l’identité marocaine est sans aucun doute une identité composite où elle est structurée de l’élément amazigh, arabe, juif, chrétien et d’autres. Kilito pense par-delà ces polémiques.
Abdelfattah Kilito et Milan Kundera s’inscrivent dans une logique déconstructiviste qui vise décortiquer l’héritage des anciens . L’espace romanesque est celui du questionnement de ce monde sans boussole. Dans ce cadre d’idées, Milan Kundera n’hésite pas dans « ses essais romanesques » de suggérer que l’individu vit sous l’égide d’une crise des valeurs. Le meilleur roman incarnant cette crise des valeurs est « L’insoutenable légèreté de l’être ». De ce fait, leurs écritures polyphoniques sont une réflexion répondant à ce que les critiques nomment depuis les années 1960 la postmodernité. Retenons ici que cette notion n’est pas un dépassement, ni un développement de la modernité. Mais sa mise en crise.
Les deux écrivains écrivent dans la logique d’un roman qui pense tout en faisant du texte une stratégie génératrice des différences. L’œuvre produite dans ce sens est celle expressive et non pas folklorique. Si Abdallah Laroui montre que le folklorique participe de l’infériorisation de la culture. Il est essentiel de dire que l’œuvre expressive déconstruise l’hégémonie culturelle. Le texte, aux yeux de Kundera et de Kilito, accomplit le pluriel. Il est au service de la pluralité et du «vivre-ensemble». Le pluriel du texte des deux écrivains semble aussi un élément à mettre en comparaison notamment que les deux penseurs écrivent dans ce que Guy Scarpetta appelle : «L’esthétique de l’impureté». Encore une fois, cette esthétique répond à la postmodernité. L’esthétique de l’impureté est une forme dialogique qui fait qu’il n’y a pas ni accueillant, ni accueilli au sein de la littérature. Le texte est construit à partir d’un mélange entre le romanesque, le philosophique, etc. Elle est en fait transgénérique. Dans cette optique, on peut donner l’exemple de La « Querelle des images » où la rencontre entre deux cultures bien différentes rythme la trame narrative. Une tradition de la lettre et une autre de la représentation.
Ce qui provoque le choc, d’autant que la tradition musulmane interdit le principe de celle occidentale qui reconnaît l’image comme support essentiel dans la construction narrative. L’écriture analytique de Milan Kundera et d’A. Kilito cristallise une esthétique proprement interculturelle. Le texte en fin de compte est un exercice de l’altérité.
La pensée et la réflexion semblent les préoccupations majeures des deux écrivains. Pour eux, la littérature doit penser le monde. L’activité de l’écriture et surtout de « l’écrire » qui ne définit pas. Car définir c’est tuer le désir de la pensée. Par conséquent, la pensée elle-même.
De là leurs œuvres invitent un lecteur actif qui va vivre une expérience avec ce monde afin de dévoiler un certain silence. C’est-à-dire un certain sens qui n’est pas le sens. Car le sens en tant que tel n’existe pas. Milan Kundera et Abdelfattah Kilito donnent encore une fois à leurs lecteurs une chance de lire et de relire un patrimoine sous des angles critiques et différents. Ils construisent chez leurs lecteurs un esprit critique et de partage. Ces intellectuels offrent une lecture différente de la réalité. Ils possibilisent le dialogue tout en respectant l’intraduisible de chaque culture. Ils se rencontrent finalement dans l’héritage de F. Kafka.